75% de participation, 36,3% des voix et 149 députés, voilà les faits.
Syriza emporte une majorité écrasante aux élections législatives, à deux sièges de la majorité absolue, laissant Nouvelle Démocratie du premier Ministre sortant Samaras à 9% derrière. La poussée de la gauche grecque écarte le danger d’Aube Dorée qui ne retrouve pas son score des dernières élections.
Les partis : communiste, centriste et de droite souverainiste se maintiennent ou entrent à la Vouli. Seuls 35% des électeurs grecs ont soutenu les partis qui avaient fait alliance avec la Troïka. Le Pasok (socialiste) échappe à l’humiliation mais Georges Papandréou qui avait créé son parti il y a quelques mois échoue à revenir au Parlement. Pour la première fois depuis 1974 aucun Papandréou ne siègera à la chambre.
Durant cette campagne courte, trois semaines, depuis l’échec de l’élection d’un Président de la République le 29 décembre dernier, rien n’a été épargné à Syriza. Les reproches faits au parti de la gauche grecque étaient nombreux mais désordonnés, comme si l’ensemble des classes politiques européennes avaient fait leur deuil de la victoire de Samaras.
Madame Merkel tonnait des menaces qui se sont révélées contre productives. Son mépris, sa morgue n’ont fait que renforcer les grecs dans leur opposition aux politiques qu’elle représente. L’Union européenne par la voix de Pierre Moscovici avait aussi tenté une opération de sauvetage de l’attelage Nouvelle démocratie, Parti Socialiste qui s’est révélée désastreuse.
La droite européenne et grecque ont tenté le scénario de la peur et du chaos. Désormais ce qui prime ce sont deux arguments plus subtils mais tout aussi malsains et méprisants. Premièrement « vous ne connaissez pas le programme de Syriza en fait il ne va pas très loin et il n’y aura pas de grands bouleversements », ou bien « la réalité va ramener Tsipras à la raison… et il ne se passera rien ».
Les ennemis d’hier s’essaient même à lui donner quelques conseils, lui demandant de se limer encore un peu les dents avant que de rencontrer ses partenaires européens.
Il y a dans ces discours tout le mépris d’une certaine classe dirigeante européenne qui ne peut admettre que l’on puisse concevoir l’Europe autrement. Le TINA (There is no alternative) a fait des ravages et les grecs, une fois l’euphorie de l’élection passée, devront se plier de gré ou de force à la volonté de ses bailleurs de fonds. Il y a un vieux fonds de procès en illégitimité politique qui plane sur cet objet politique mal connu qu’est Syriza. Un parti qui était autour de 6% en 2009, qui devient le premier parti d’opposition en 2012 et qui arrive au pouvoir en 2015.
Ces discours, ces arguments des opposants à Syriza n’ont pas eu de prise sur un peuple qui souffre et qui de plus ne voit pas le bout du tunnel. N’oublions pas que toutes les politiques d’austérité voulues par le PASOK et Nouvelle démocratie n’avaient pour but officiel que de réduire la dette grecque. En 5 ans elle est passée de 94% à 175% du PIB. Le peuple d’Athènes n’est pas fou, il a bien compris que ces politiques avaient bien un autre objectif, celui de se servir de la Grèce comme cobaye dans une vaste opération programmée de reculs sociaux, économiques et politiques.
Souvenons-nous que la Grèce est le seul pays de l’Union européenne qui a en une nuit fermé le signal de ses chaînes publiques. Et ce n’est là qu’un exemple parmi des centaines d’autres. Des centaines d’entreprises fermées, des centaines de milliers de jeunes y compris diplômés contraints à l’exil. 45% de la population hors de toute protection sociale. Le retour d’une médecine d’urgence comme dans les pays en guerre ou en proie à une catastrophe naturelle. Des dettes et des taxes impossibles à régler par la majorité de la population.
Syriza et Alexis Tsipras ont conscience de l’état du pays. Ils savent aussi qu’ils sont porteurs de l’espoir du peuple grec épuisé par ces années de sacrifice sans résultats. Ils savent que rien ne leur sera épargné ni le chantage de la Troïka, le vice-président de la BCE et la Présidente du FMI ont, dès lundi 26, rappelé la nécessité de payer la dette et qu’aucun effacement n’était prévu à ce jour.
Mais comme en 2005 quand la France avait su dire non aux diktats de l’Union Européenne et de la plupart des dirigeants de droite ou socialiste pour ne pas ratifier le Traité constitutionnel européen, le peuple grec ne veut plus qu’on lui dicte ce qu’il a à faire et à choisir. L’élection de dimanche a comme première vertu de redonner aux grecs la dignité, dont leurs dirigeants les avaient privés depuis des années.
Le programme économique de Syriza est un programme de nette rupture avec les politiques menées. Il mise sur la croissance par le retour de l’investissement public et par la relance de la consommation interne en arrêtant les ponctions sur les salaires et les retraites. Il parie aussi sur une lutte sans merci contre l’évasion fiscale et contre les oligarques armateurs qui se sont toujours arrangés pour échapper à l’impôt.
Même ceux qui avaient refusé de recevoir le chef de l’opposition qu’était Alexis Tsipras (fonction constitutionnelle en Grèce) il y a quelques années, se précipitent pour le féliciter, le gouvernement socialiste français en tête, tout en minimisant l’ampleur du programme de Syriza et sa capacité à le mettre en œuvre. Mais la gauche grecque a appris à se méfier de ceux qui pratiquent la stratégie de l’araignée.
En un mot comme en mille ce qui s’est passé ce dimanche en Grèce est bien une déflagration en Europe. Pour la première fois un parti va mener une politique anti austéritaire au sein de la zone euro. Combien auraient été heureux les Merkel,
Il y a actuellement 0 réactions
Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.